Dans cet article, Hephata présente les différentes initiatives et les gestionnaires du patrimoine historique en Europe.
Ce qu’il faut retenir
En Europe, sur onze pays étudiés, on distingue quinze opérateurs majeurs, que l’on peut diviser en trois catégories :
- Les fonds nationaux inspirés du modèle anglo-saxon ;
- Les gestionnaires culturels et touristiques ;
- Les groupes hôteliers.
En France, on observe qu’il n’y a pas d’opérateurs multi-activités type National Trust. On trouve davantage des gestionnaires culturels et touristiques ou des entreprises portant une activité hôtelière ou évènementielle.
Introduction
Si la France présente un patrimoine riche et varié, il n’en est pas moins des autres pays d’Europe. En effet, eux aussi disposent d’une histoire et d’une culture propres et profondément ancrées, dont une partie peut se révéler dans les éléments patrimoniaux nationaux. Ces autres pays européens ont donc les mêmes enjeux de protection et de valorisation du patrimoine architectural qu’en France.
Pour recourir aux besoins du patrimoine historiques, différents acteurs nationaux du patrimoine se mobilisent donc sur leurs propres territoires.
Voici une présentation des gestionnaires du patrimoine historique en Europe.
Les initiatives européennes inspirées du modèle Anglo-saxon
Le National Trust pour le patrimoine anglo-saxon
Le National Trust est le deuxième propriétaire foncier du Royaume-Uni, après la Couronne. Créé en 1895, il opère en Angleterre, au Pays de Galles, sur l’Ile de Man et en Irlande du Nord. Cette association à but non lucratif a pour objectif de conserver et ouvrir au public le patrimoine culturel et naturel sur ces zones-là. Le National Trust s’intéresse à la fois au patrimoine archéologique, au patrimoine bâti de toutes époques (300 monuments), au patrimoine industriel, au patrimoine naturel (780 miles de côtes, 250 000 hectares terres et 200 jardins) ainsi qu’aux objets et œuvres d’art (environ un million).
Comme à l’habitude des autres fonds nationaux pour le patrimoine, le National Trust privilégie la multi-activité pour la valorisation des sites. Il organise ainsi dans les différents monuments :
- Des visites ;
- Des locations saisonnières (séjours et vacances) et évènementielles ;
- Des animations, évènements et loisirs ;
- Des activités agricoles et sylvicoles ;
- De la production d’énergie.
Sur l’année 2021/2022, le National Trust a dépensé 672 M €. L’association tire ses revenus des fonds issus de la cotisation des membres (222 M € en 2021, grâce à quatre millions de membres adhérents), aux cessions ou locations de biens immobiliers ou naturels issus de legs ou donations, aux collectes de fonds, aux campagnes de financements, aux revenus de ses placements financiers ainsi qu’à la vente de produits en ligne. Il faut également noter que ce fond national réduit ses coûts grâce au soutien de 67 000 bénévoles.
La Fai, fond italien
La Fai (fondo per l’Ambiente italiano) a été créée en 1975. Il s’agit d’une fondation à but non lucratif inspirée du National Trust anglais. Elle possède 58 lieux dont 35 sont ouverts au public. Son objectif est la sauvegarde et la valorisation du patrimoine artistique et naturel en Italie ainsi que la restauration et l’ouverture au public de biens historiques, artistiques ou naturels. En 2021, la Fai a dépensé 3 M €. En guise de revenus, la Fai dispose de fonds issus de la cotisation de ses membres, de dons, partenariats et mécénats (particuliers et entreprises) ainsi que des recettes issues des évènements d’entreprises.
Autres fonds tirés du modèle anglo-saxon
D’autres fonds nationaux sont investis pour le patrimoine historique en Europe. Ils sont tous inspirés du National Trust et sont pour la plupart situés dans des pays anglo-saxons ou des anciennes colonies britanniques. Parmi ces fonds, on peut citer :
- An Taisce en Irlande ;
- National Trust for Scotland ;
- National Trust of Guernsey ;
- National Trust Jersey ;
- Din l-Art Helwa à Malte ;
- Herita en Belgique ;
- Kultur erbe bayern en Bavière ;
- Geldersh Landschap et Kasteelen dans la Province de la Gueldre (Pays-Bas).
Les gestionnaires culturels et touristiques du patrimoine historique en Europe
Les Fondations européennes pour le patrimoine
Parmi les gestionnaires culturels et touristiques du patrimoine historique en Europe, on trouve bien évidement les fondations qui oeuvrent à la sauvegarde du patrimoine et à leur ouverture en France.
Il existe de nombreuses fondations en Europe peuvent gérer un ou plusieurs lieux :
- Demeures & Châteaux en Belgique,
- la Fondation Chudow en Pologne,
- la Fondation du patrimoine en France, …
Le CMN, gestionnaire culturel en France
Le Centre des monuments nationaux est un établissement public sous tutelle du ministère de la Culture. Créé en 1914, il gère actuellement 137 000 biens culturels et plus de 100 monuments dont 19 sont inscrits sur la liste du patrimoine mondial de l’UNESCO. Notons que ces monuments sont propriétés de l’Etat. Le but du CMN est de :
- Conserver, restaurer et entretenir le patrimoine ;
- Le rendre accessible au plus grand nombre ;
- Favoriser la vie culturelle et le développement touristique ;
- Assurer une mission d’éditeur public.
En 2022, le CMN a reçu plus de 10 millions de visiteurs sur l’ensemble de ses sites patrimoniaux et a organisé plus de 400 manifestations culturelles. En 2021, le CMN a bénéficié d’un budget de 224 M €, budget réparti entre les dépenses de fonctionnement et les investissements. Quant aux revenus, ceux-ci sont assurés par les recettes générées par les monuments eux-mêmes (les droits d’entrée représentent environ 25 M €), par les financements de l’Etat ainsi que par les dons et le mécénat.
L’Institut de France, propriétaire de biens patrimoniaux
L’Institut de France date de 1795. C’est une instance de conseil indépendante auprès des pouvoirs publics. L’Institut de France a pour mission le rayonnement des lettres, des sciences et des arts, la recherche et le soutien à la création ainsi que la protection d’un important patrimoine dont il est propriétaire. L’Institut de France est également un des plus grands mécènes de France avec près de 25 M € distribués chaque année par ses fondations abritées au titre des prix et subventions. Actuellement, l’Institut dispose de 20 sites historiques dans lesquels il développe toutes sortes d’activités :
- Visites ;
- Bibliothèques et centres de documentation ;
- Locations professionnelles et privées ;
- Hébergements ;
- Expositions d’objets d’art et de collections, musées ;
- Rencontres, formations, débats et conférences ;
- Promenades et jardins ;
- Animations et loisirs.
Les entreprises valorisant le patrimoine historique
De nombreuses entreprises valorisent le patrimoine historique. En France, on trouve par exemple :
- Tous au Château ;
- Alfran ;
- Culturespace ;
- Kléber Rossillon,…
Kléber Rossillon est une entreprise privée créée en 1985 pour la préservation et la valorisation de lieux culturels et touristiques, leur ouverture au public, l’augmentation de leur notoriété et de leur fréquentation. L’entreprise possède 12 lieux qui ont accueilli plus de deux millions de visiteurs en 2022.
L’entreprise agit en France en en Belgique (un site uniquement) et s’intéresse à tout type de patrimoine : châteaux et belles demeures, patrimoine naturel, patrimoine archéologique et patrimoine industriel. Elle a néanmoins un cahier des charges précis. Le site doit :
- Être situé dans une zone très touristique mais avec une faible concurrence ;
- Bénéficier d’une certaine notoriété et d’un bon positionnement géographique ;
- Être doté d’un caractère historique fort : histoire majeure à raconter sur place, faits marquants, … ;
- Avoir un caractère esthétique atypique et/ou exceptionnel.
Les opérateurs hôteliers et évènementiels dans les sites du patrimoine européen
Châteauform’, séminaires professionnels
Châteauform’ est une entreprise privée créée en 1996. Son activité réside dans l’ouverture des lieux du patrimoine aux entreprises et au bien-être des collaborateurs. Bénéficiant de 64 sites, le cahier des charges de Châteauform’ est strict : les lieux d’exception doivent disposer de plus de 80 chambres et doivent être situés à proximité de Paris, des grandes métropoles ou des aéroports. Ce, afin d’en faciliter l’accès aux entreprises. C’est pourquoi les châteaux et sites historiques de l’entreprise sont principalement situés en Ile-de-France bien qu’on en trouve également à Bordeaux, Lyon, Aix-en-Provence, Marseille ainsi qu’en Allemagne, Espagne, Suisse, Italie, Belgique et aux Pays-Bas.
Paradores de turismo, chaîne hôtelière dans le patrimoine espagnol
Paradores de turismo intervient en Espagne majoritairement (seulement un site hors-frontières, au Portugal). Créée en 1928, cette société cherche à promouvoir le tourisme en Espagne en conservant le patrimoine historique. On compte aujourd’hui 98 paradores, hôtels qui prennent place dans des sites architecturaux (châteaux, forteresses, couvents, monastères et autres édifices historiques). L’activité d’hôtellerie de luxe permet ainsi de revitaliser des sites du patrimoine espagnol. Elle permet aussi de les inscrire dans des circuits touristiques, notamment grâce à la création d’une dizaine d’itinéraires « de Paradores à Paradores » qui invitent les touristes à parcourir et à visiter l’Espagne en faisant une halte dans chaque hôtel patrimonial détenu par la marque.
Pousadas de Portugal, groupe hôtelier valorisant les sites historiques
Pousadas de Portugal est une entreprise dont le but est de créer des hôtels à la fois rustiques et authentiques dans des sites historiques du Portugal. Existant depuis 1940, Pousadas de Portugal a été racheté par le groupe Pestana en 2003. Cette entreprise n’est donc plus gérée par l’Etat portugais. Certains sites font donc l’objet de concessions d’exploitation pour une durée de 40 ans, ce depuis 2003, tandis que d’autres ont été acquis par le groupe entre temps. Aujourd’hui, l’entreprise possède 40 pousadas au Portugal. La volonté actuelle est d’ouvrir d’autres sites historiques et de les transformer en hôtels dans les anciennes colonies portugaises.
Conclusion
Les gestionnaires de sites patrimoniaux en Europe peuvent donc être distingués en trois grandes catégories :
- Les fonds nationaux inspirés du modèle anglo-saxon qui sont généralement des associations, des fondations ou des organismes à but non-lucratif. Leur objectif est véritablement de démocratiser l’accès à la culture et au patrimoine. Leur défi est donc de restaurer les sites historiques, de les promouvoir et de les ouvrir au public en y développant de la multi-activité. Ces fonds nationaux fonctionnent grâce à l’implication des citoyens (adhésions de membres, dons, legs, mécénat, bénévolat, etc., …). Ils ont donc une vocation à la fois patrimoniale, environnementale mais également sociale.
- Les gestionnaires culturels et touristiques peuvent à la fois relever de l’initiative publique ou privée. Ils ne sont pas directement propriétaires des sites mais tirent leurs revenus de l’activité qu’ils développent. L’implication sociale est moins présente bien qu’ils aient à cœur de restaurer, valoriser et ouvrir le patrimoine au public.
- Les chaînes hôtelières ou entreprises évènementielles dans des sites historiques ne cherchent pas tant à démocratiser l’accès aux monuments mais souhaitent plutôt revaloriser les sites historiques en leur adjoignant une nouvelle activité économique rentable sur le long terme. Les recettes sont issues des évènements professionnels ou de l’activité hôtelière de luxe.
Pour aller plus loin
15 biens méconnus inscrits au patrimoine mondial de l’UNESCO