La loi Aillagon et le mécénat culturel

Cet article vous explique le dispositif de la loi Aillagon et son impact sur le mécénat culturel.

Introduction

La Loi Aillagon, proposée par le Ministre de la Culture et de la Communication Jean-Jacques Aillagon (en poste de 2002 à 2004), a été votée le 1er août 2003. C’est une loi qui concerne le mécénat à la fois financier, en nature ou de compétence. Par ailleurs elle ne s’applique que pour les structures reconnues d’intérêt général et concernées par les articles 200 et 238bis du Code Général des Impôts.

Son objectif premier est de favoriser le mécénat. Notamment en modifiant le dispositif de dons ; mais aussi en revoyant les critères de reconnaissance d’utilité publique d’une structure.

La Loi Aillagon a un impact sur le mécénat culturel également : œuvres d’art, monuments historiques, activités touristiques dans des lieux patrimoniaux, … Tout un panel d’activités culturelles ont pu bénéficier de ce projet.

Ce qu’il faut retenir

Le mécénat est un soutien aux actions d’intérêt général d’une personne ou d’un organisme. Contrairement au sponsoring, le mécénat n’envisage pas de contreparties directes pour le donateur.

– En France, la pratique a connu un véritable développement suite à l’instauration de la loi Aillagon en 2003

– Elle a touchée de nombreux secteurs et notamment celui de la culture, de l’art et du patrimoine

– Devenu trop déficitaire pour l’État une réforme du dispositif Aillagon a été envisagée

I. La Loi Aillagon et le mécénat

A) Une loi pour favoriser le mécénat

La loi Aillagon s’organise autour de quatre axes en faveur du mécénat :

– mécénat des particuliers ;

– mécénat des entreprises ;

– fiscalité des fondations reconnues d’utilité publique ;

– reconnaissance d’utilité publique.

a/ Mécénat des particuliers

La loi Aillagon prévoit d’encourager le mécénat des particuliers grâce à la mise en place de déductions fiscales incitant aux dons. Ainsi, les particuliers peuvent bénéficier d’une réduction d’impôt de 66 %. Celle-ci est plafonnée à 20 % du revenu imposable (contre 10 % auparavant) et peut être reportée sur cinq ans en cas d’excédent de versement.

b/ Mécénat des entreprises

Pour les entreprises, la Loi Aillagon développe également un avantage fiscal. En effet, les entreprises peuvent bénéficier d’une déduction fiscale de 60 % de l’impôt des sociétés. Cette déduction fiscale peut s’élever à 90 % lorsque le don est réalisé en faveur des trésors nationaux. Cette spécificité montre déjà l’impact positif de la loi Aillagon en faveur du patrimoine.

Enquête réalisée en 2013, portant sur 213 réponses formulées par des acteurs concernés par la Loi Aillagon

© Fidal, Enquête réalisée en 2013, portant sur 213 réponses formulées par des acteurs concernés par la Loi Aillagon

c/ Fiscalité des fondations reconnues d’utilité publique

Les fondations reconnues d’utilité public (FRUP) bénéficient elles aussi de défiscalisation pour les donateurs et fondateurs mais également d’un abattement fiscal de l’impôt sur les sociétés. Cet abattement fiscal est doublé, passant de 15 000 à 30 000 euros. Cet allègement de la fiscalité encourage ainsi le mécénat des fondations.

d/ Reconnaissance d’utilité publique

Comme dernier objectif, la loi Aillagon prévoit de faciliter la démarche de reconnaissance d’utilité publique en l’accélérant et en la simplifiant. Cela permet le développement des fondations reconnues d’utilité publique qui jouent un rôle social et culturel très important. Le statut de FRUP est en effet attractif pour diverses raisons. En effet, il permet au fondateur de diversifier les sources de financements pour la cause bénéficiaire (dons, legs, …). Il permet également :

  • d’obtenir une déduction fiscale ;
  • d’accroître la notoriété de l’entreprise en proposant des actions d’utilité publique et en devenant mécène ;
  • d’élargir son audience et de fidéliser les clients grâce à des contreparties (n’exédant pas 25% du don).

B) Une loi qui s’avère trop déficitaire pour l’État

La Loi Aillagon et son impact sur le mécénat culturel s’est vérifié ces dernières années. Le dispositif de la loi Aillagon a tellement bien fonctionné qu’il s’est révélé trop déficitaire pour l’État. En effet, les pratiques de mécénat se sont considérablement développées. Le volume global des dons s’est vu multiplié par quatre depuis 2004, passant d’un million d’euros à quatre millions d’euros. Quant aux entreprises mécènes, leur nombre s’est multiplié par douze. Ainsi, quinze ans après cette loi, on compte 61 000 entreprises mécènes et 5,8 millions de foyers donateurs.

Cet essor fulgurant du mécénat entraîne des dépenses fiscales toujours croissantes pour l’État. La perte budgétaire causée par le mécénat a ainsi été multipliée par dix en treize ans, passant de 90 millions d’euros en 2004 à plus de 900 millions d’euros en 2017. Le coût de grâce a été porté par l’incendie de la Cathédrale de Paris où de nombreux dons, le plus souvent très élevés, ont afflué pour la restauration, causant une perte budgétaire considérable pour l’État. Le dispositif Aillagon devient donc étouffant financièrement pour le gouvernement, d’où la volonté portée par ce dernier de le limiter.

Deux autres problèmes suscitent également la volonté de limiter la Loi Aillagon :

– Le constat est fait que le dispositif bénéficie davantage aux grandes entreprises qu’aux plus petites qui en auraient pourtant davantage besoin ;

– La multiplication des fondations d’art portant le nom de leurs entreprises devenant ainsi des vecteurs de marque.

C) Un projet de réforme

L’État souhaite réformer la loi Aillagon pour la rendre moins déficitaire. La réforme a commencé à s’appliquer dès décembre 2020.

Les nouvelles mesures sont les suivantes :

  • La déduction fiscale des entreprises sur l’ l’impôt des sociétés passe de 60 % à 40 % (seulement pour un don de plus de 2 million d’euros). Cette mesure ne concerne pas les organismes relevant de la loi Coluche (associations humanitaires et caritatives telles que les Restos du Coeur, la Fondation Abbé Pierre, etc …) ;
  • Concernant le mécénat de compétence : la défiscalisation des salaires des employés mis à disposition est désormais plafonnée à environ 120 000 € brut par année et par salarié.
  • Pour les TPE : augmentation de 10 000 à 20 000 € de la franchise afin d’éloigner la limite de versement qu’elles atteignent plus rapidement (rappel : celle-ci est fixée à 0,5 % du chiffre d’affaire) ;
  • Obligation de renseigner l’État sur les bénéficiaires des dons ainsi que sur les contreparties reçues afin de faciliter la visibilité et d’éviter les fraudes et abus fiscaux.

II. La Loi Aillagon : impact sur le mécénat culturel

A) Impact du mécénat sur le patrimoine et la culture

La loi Aillagon a permis de développer le mécénat d’une manière impressionnante. Outre les associations et fondations caritatives et humanitaires, beaucoup de donnateurs ciblent le secteur culturel : art, musées, monuments historiques, …

18% du mécénat d’entreprise est affecté à la culture et au patrimoine

22,4% des fonds de dotation créés ont pour objet principal l’action artistique et culturelle

*Chiffres donnés par le Ministre de la Culture

Enquête sur les bénéficiaires de la Loi Aillagon

© Fidal, Enquête réalisée en 2013, portant sur 213 réponses formulées par des acteurs concernés par la Loi Aillagon

C’est ainsi que se sont développés des outils de gestion et de promotion du développement du mécénat culturel, et ce, au cœur même du Ministère de la culture. La « Mission du mécénat » assure le bon suivi de la politique et de la réglementation fiscale et juridique du mécénat. Elle anime également un large réseau d’acteurs, incluant notamment la DRAC. L’objectif du réseau est de relayer les informations concernant le mécénat au niveau local et de rapprocher les bienfaiteurs et les récepteurs culturels des dons. De même des « jeudis du mécénat », organisés régulièrement, cherchent à approcher toutes les problématiques liées au secteur culturel et au mécénat.

Le mécénat relevant de l’action publique, il s’agit donc d’un outil démocratique. En effet, entreprises et particuliers détiennent la liberté de choisir la destination de leurs dons. S’exprime ainsi la « voix du peuple » en faveur de telle œuvre d’art, tel courant artistique, tel château ou site historique, … Néanmoins si cette liberté n’a pas d’impact pour la préservation du patrimoine, elle peut limiter la création artistique puisque les mécènes auront tendance à soutenir les projets stables plutôt que ceux, plus risqués, qui présentent nouveauté et innovation.

Le château de Beaumesnil bénéficiaire de la Loi Aillagon et du mécénat culturel

Le Château privé de Beaumesnil a créé sa propre fondation et propose aux particuliers comme aux entreprises d’être mécène en participant à la plantation d’arbres, à la restauration de la fontaine, à la mise à disposition de nouveaux bancs ainsi qu’à l’achat d’ustensiles de cuisine d’époque. En contreparties, des ardoises personnalisées inscrivent le nom du donateur dans l’histoire et les entreprises ont accès à des espaces du château afin d’organiser leurs évènements et séminaires. Ainsi, c’est en quelque sorte une stratégie de naming qu’a adopté le château de Beaumesnil.

Château de Beaumesnil bénéficiaire de la Loi Aillagon et du mécénat culturel

© CC BY-SA 3.0, Château de Beaumesnil, Eure, France

B) Quelles conséquences de la réforme de la Loi Aillagon pour le mécénat culturel ?

La réforme de la Loi Aillagon a suscité quelques tourments dans le secteur culturel. Celui-ci craint que les nouvelles mesures soient dissuasives pour le mécénat. Dans le cas des fondations d’art, les individus pensent que les nouvelles mesures vont restreindre leur nombre et donc limiter le développement du patrimoine contemporain.

Pour l’instant la réforme est encore trop récente pour analyser concrètement son impact sur le secteur culturel. Ce qui est certain, c’est que le gouvernement désire avant tout contrôler les déviances fiscales. La volonté d’ouvrir plus largement le mécénat aux petites entreprises témoigne d’ailleurs d’une volonté de poursuite de la politique du mécénat de la part du gouvernement.

Conclusion

La Loi Aillagon a eu un impact sur le mécénat culturel. Elle a considérablement boosté le mécénat et notamment celui des entreprises. Ce mécénat d’entreprises est accompagné désormais d’un mécénat plus populaire : le financement participatif (crowdfunding). Ces deux pratiques engagent les personnes privées dans la sauvegarde du patrimoine.

C’est un modèle que l’on trouvait surtout au Royaume-Uni, la France privilégiant davantage l’action publique par le biais du Ministère de la culture. Désormais, notre pays sait combiner les démarches publiques et privées pour la protection des sites historiques. En témoigne le Loto du patrimoine. Initiative d’une personne privée, Stéphan Bern, il est épaulé par le gouvernement et s’avère être un nouveau modèle de financement participatif pour les monuments en périls.

Pour aller plus loin

Le mécénat patrimonial : fonctionnement et utilisation

Comment trouver des financeurs pour sauver son château ?

Histoire du financement des châteaux d’hier et d’aujourd’hui