La diversité du patrimoine industriel

Dans cet article, Hephata aborde la question de la diversité du patrimoine industriel.

Introduction

Le patrimoine industriel est une notion qui a émergé en France dans les environs des années 1970. L’héritage industriel n’a intégré le champ patrimonial que tardivement. En effet, il a longtemps été perçu comme le témoignage visible de la chute d’une activité économique. Les anciennes usines et friches industrielles jalonnant le territoire reflétaient ainsi un sentiment de disgrâce et de honte. Elles étaient le reflet d’un échec et des conditions de vie déplorables des ouvriers. L’image s’est renversée progressivement, passant d’un sentiment négatif à une perception plus positive des friches industrielles. Ces éléments industriels, une fois patrimonialisés et réhabilités, participent à la refonte de l’identité territoriale. Ils permettent de redonner une certaine fierté aux habitants et renforcent l’attractivité touristique, ce qui permet de redynamiser les régions. Le patrimoine industriel revitalisé dispose donc d’un réel avenir en termes de revitalisation et de promotion des territoires.

Le patrimoine industriel fait référence aux éléments du passé qui témoignent du monde du travail. Il se traduit par des éléments architecturaux, par des paysages exploités par l’homme mais également par un héritage immatériel (savoir-faire, gestes, techniques, conditions de vie, histoire sociale et économique, etc., …). Le patrimoine industriel recouvre ainsi une multiplicité très diverse qui dépasse l’image unique de l’usine et de la friche industrielle.

Patrimoine proto-industriel ou patrimoine classique ?

Bien que le patrimoine industriel soit souvent assimilé aux usines, il concerne également les bâtiments plus anciens. Ceux voués aux productions artisanales ou agricoles par exemples. On peut citer les moulins, les verreries, les distilleries ou encore les papeteries. Ces bâtiments, souvent de taille modeste, présentent un intérêt au niveau de leur architecture. Ils présentent aussi un intérêt du point de vue technique ou par les savoir-faire qu’ils véhiculent. Néanmoins, ce patrimoine pourra souvent être qualifié de « rural » plutôt que « d’industriel », notamment du fait qu’il soit démuni, architecturalement parlant, du « style industriel », que nous évoquerons plus tard.

D’autres bâtiments, de plus grande ampleur, sont les manufactures royales. Celles-ci sont remarquables de par la qualité de leur architecture qu’elles empruntent aux palais princiers. Ce, afin de magnifier le pouvoir royal. Ces manufactures renferment le plus souvent des savoir-faire artisanaux. On peut citer notamment la manufacture de Sèvres. Néanmoins, on trouve également des manufactures de tabac (Morlaix ou Issy-les-Moulineaux) ou d’armement (Châtellerault). De même que pour les bâtis agricoles, par leur architecture plutôt traditionnelle et solennelle, ce type de monument pourra davantage être assimilé à un patrimoine classique plutôt qu’à un patrimoine industriel.

Le patrimoine des révolutions industrielles

La Première révolution industrielle a éclos dans le courant des années 1770-1850. Elle se caractérise par l’émergence du chemin de fer et de la machine à vapeur. Mais aussi par celle de la sidérurgie et de l’industrie textile. La Seconde révolution industrielle se déploie dans les années 1850-1914. Elle est marquée par l’invention de l’électricité, l’exploitation du pétrole ainsi que l’émergence de l’industrie chimique et automobile. C’est aussi la naissance du fordisme et du travail à la chaîne. Ce dernier impacte notamment l’organisation des usines.

La Première révolution industrielle pose les bases d’un vaste empire industriel qui perdura encore avec la Seconde révolution industrielle. C’est à ce moment-ci qu’émergent les premières usines. Celles-ci font généralement partie d’ensembles plus vastes, les ouvriers étant souvent logés sur place dans des quartiers et cités spécialement conçus pour eux. Ces espaces de logements font parfois preuve d’une volonté d’accorder du confort ainsi que de bonnes conditions de vie aux ouvriers. Il arrive ainsi que l’architecture de ces espaces d’habitation soit également qualitative et recherchée. C’est par exemple le cas du Familistère Godin à Guise.

Dans le Bassin Minier, au Nord de la France, on trouve également des cités ouvrières dont l’habitat, au briques typiques, est appelé « corons ». Ces cités côtoient les terrils et les sites d’extraction qui caractérisent les paysages culturels du Nord. 

Le style industriel

La dénomination de « patrimoine industriel » peut aussi être accordée aux biens qui possèdent un style industriel. Il s’agit alors de bâtiments dont les matériaux sont issus des révolutions industrielles : le fer, le béton, l’acier, le verre, la brique etc., … Ainsi l’architecture industrielle comprend tout à la fois les blocs massifs de béton, les palais d’aciers ornés de grandes verrières ou encore les anciennes cheminées de briques. Ces éléments architecturaux, typiques du style industriel, sont souvent conservés lors de réhabilitations du patrimoine industriel. En effet, ils constituent des éléments identitaires du passé industriel.

Ainsi l’école d’architecture Paris Val-de-Seine a décidé de conserver une halle métallique ainsi que la cheminée des locaux de l’ancienne usine d’air comprimée dans laquelle elle s’est installée.

Conclusion

Le patrimoine industriel recouvre donc de multiples réalités. Il renvoie en effet à différentes époques chronologiques bien distinctes. Ainsi, le Moyen Age et son économie agraire ont eux-mêmes transmis des bâtiments qui font partie du patrimoine industriel comme les moulins ou les ateliers d’artisans par exemple. Cette appartenance au patrimoine industriel est tout à fait justifiée du fait qu’il s’agit d’ouvrages dont la fonction n’est autre que productive. Néanmoins, ils sont souvent davantage assimilés aux patrimoines plus traditionnels, ruraux ou classiques, du fait de leur architecture dépourvue de toute trace industrielle (fer, béton, verrières, etc., …).

Les révolutions industrielles permettent le passage d’une économie agraire à une économie commerciale et industrielle de grande ampleur. De la Première révolution industrielle, on tire le patrimoine des grandes manufactures d’Etat, le patrimoine des premiers chemins de fer et celui des industries textiles et sidérurgiques. De la Seconde, on hérite surtout du patrimoine des grandes usines liées au fordisme et au travail à la chaîne.

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