Les enjeux de la sauvegarde du patrimoine français

La couronne de la France, c’est son Patrimoine. Cette métaphore royale est, et sera toujours d’actualité, tant que les monuments historiques français seront conservés. Mais quels sont les enjeux de la sauvegarde du patrimoine français ?

Les joyaux de cette couronne nous les connaissons bien, ce sont les châteaux de Versailles, de Chambord, de Vaux-le-Vicomte, de Fontainebleau… ils sont gros, ils sont beaux, ils sont éclatants. Ils scintillent même jusque dans les yeux des chinois !

Mais ce qui fait l’éclat et la beauté de cette couronne, ce sont aussi tous ses petits brillants. Ces diamants de toutes tailles sont nos monuments historiques. Pour la plupart privés, ils sont répartis partout en France, et composent notre patrimoine. Aujourd’hui, notre couronne s’abime, car beaucoup de ces brillants se ternissent et finissent par tomber.

Des joyaux qui éblouissent et font oublier les autres, les stars du système…

100 monuments en France regroupent à eux seuls plus de 9,5 millions de visiteurs(Ministère de la Culture). Pour reprendre l’image de la couronne, ce qui saute aux yeux, ce sont les joyaux ! Ces pierres précieuses bénéficient d’une notoriété telle qu’elles rayonnent au delà de nos frontières. Ces fameux châteaux s’inscrivent alors dans un cercle vertueux : ils attirent, ils profitent, ils attirent, ils profitent…

C’est ce qu’on pourrait appeler le « star system » du patrimoine. Nos célèbres châteaux de la Loire, mais aussi celui de Versailles bénéficient d’un tourisme massif, ainsi que d’une image de marque qu’ils peuvent décliner.

Plus de 800 000 visites à Chambord en 2016, chiffres semblables à Chenonceau, et près de 4 millions de visiteurs pour le Château de Versailles. Les recettes sont là et les travaux de conservation et de valorisation sont possibles. C’est ainsi que Chambord a vu récemment éclore de superbes jardins à la française et que Vaux-le-Vicomte a pu magnifiquement restaurer ses plafonds ornés de peintures XVIIème. Ces étoiles du patrimoine architectural français brillent et nous pouvons en être fiers.

Ces chiffres pourraient faire fantasmer beaucoup de châteaux plus modestes… ou pas du tout. Le tourisme de masse a aussi ses inconvénients. On constate parfois une surexploitation touristique des lieux qui pourrait les mettre en péril. Ces monuments sont nécessairement altérés par le passage quotidien de centaines de personnes. Entretenir la Galerie des Glaces n’est pas une mince affaire. Il faut rester vigilant.

De plus, des alternatives au tourisme massif classique, existent. Ces moyens pourraient permettre de réaliser des recettes sans trop abimer les lieux. Le maître mot serait alors : rentabiliser, oui mais à condition de « préservaloriser ». Il en découle de véritables enjeux pour la sauvegarde du patrimoine français notamment privé !

Des brillants qui pâtissent, autant de « Monsieur et Madame Patrimoine » oubliés…

Et puis il y a les autres… les milliers de « petits » brillants. Si les « grands » monuments arrivent à s’en sortir car ils peuvent compter sur de nombreux mécènes ou sur une communication professionnelle pour rayonner, les « petits » châteaux sont victimes de leur isolement et de leur manque de notoriété.

La Demeure Historique recense près de 9000 châteaux, manoirs, abbayes et prieurés. Plus de 44 000 monuments sont protégés en France (Source : Mérimée).

De ces nombreuses demeures, nous n’en connaissons qu’un très faible pourcentage. Les milliers d’autres sont plus en marge… Certains sont ouverts au public quelques mois dans l’année, d’autres seulement aux Journées du Patrimoine, certains organisent des mariages/séminaires pour faire quelques recettes et puis, il y aussi ceux qui se cachent et ceux qui s’effritent en silence.

Si l’on regarde la carte de France, il n’y a pas une région, pas un département qui ne dispose pas d’au moins un monument. Si l’on regarde les chiffres, il y a plus de monuments classés que de communes en France, et ils ne sont pas tous classés ! C’est une chance pour nos territoires qui doivent prendre conscience des enjeux qui découlent de la sauvegarde de ce patrimoine français inestimable.

Toutefois, ce patrimoine architectural d’exception n’est pas homogène. Leur taille, leur style, leur notoriété différencient ces monuments. Mais, aujourd’hui, la distinction majeure s’opère au regard de leur état de conservation.

Ainsi beaucoup de propriétaires de monuments historiques, sont découragés face à l’ampleur des chantiers et le coût des travaux, bien qu’ils détiennent souvent de véritables bijoux. Le drame est tel que certains châteaux qui ont traversé des siècles, peuvent tomber en ruine en seulement deux générations. L’association Chefs d’œuvres en péril ou à l’abandon recense tous ces sites qui tombent en ruine ou sont dans l’oubli. Après les friches industrielles, sommes-nous déjà dans la friche patrimoniale ?

Par manque de moyens (humains, financiers, réseaux, idées..), de nombreux sites ne s’en sortent pas. Pourtant, des associations et fondations encouragent les battants du Patrimoine. Ainsi la Demeure Historique, les VMF, la Fondation du Patrimoine forment un accompagnement rassurant pour ces propriétaires marginalisés. Elles s’engagent aussi pour que la politique et les règlementations évoluent favorablement pour les monuments historiques.

Toutefois, le fossé qui sépare ces nombreux châteaux de ceux qui tirent leur épingle du jeu, est toujours profond. Ce constat est injuste.

Pour que la couronne tienne, il faut recréer un maillage cohérent et dense entre ces demeures !

Au nom de l’Histoire, au nom de la beauté architecturale et du potentiel non exploité, ces brillants de France méritent autant que les autres de retrouver leur éclat d’antan. Pour ce faire, les carcans traditionnels réglementaires et intellectuels qu’on attache aux monuments doivent nécessairement évoluer.

De même, le patrimoine monumental devra et pourra compter sur de nouveaux modes de financement, plus ouverts, plus « décomplexés ». L’exploitation de ces sites doit opérer elle aussi une profonde mutation et s’adapter au monde qui bouge.

Conclusion

 L’idée n’est pas de remplacer ces authentiques brillants par des pierres de synthèse. L’idée c’est de ne plus seulement les lustrer à la peau de chamois mais peut être bien de les exposer aux ultrasons…

Pour aller plus loin

Historique et enjeux actuels du patrimoine

Stéphane Bern et le patrimoine : un duo de choc

La sauvegarde du patrimoine au service de l’homme