Transformer un parc en jardin remarquable

Transformer un parc en jardin remarquable. Hephata est allé à la rencontrer des propriétaires du château de la Ballue pour en savoir plus sur la valorisation des jardins.

L’important à retenir dans cet article :

Marie-Françoise Mathiot-Mathon est propriétaire du domaine de La Ballue depuis 2005. Ce lieu a notamment été choisi pour ses jardins : créés au 17e siècle d’une base classique, ils sont refaits en 1973 par la précédente propriétaire Claude Artaud et deux architectes, François Hébert Stevens (neveu de l’architecte Robert Mallet-Stevens ; passionné du nombre d’or et ayant reçu un prix de littérature pour son ouvrage « L’art ancien de l’Amérique du sud ») et Paul Maymont (architecte utopique futuriste). 
Le jardin s’appuie sur des règles de l’architecture classique tout en s’approchant d’un mouvement avant gardiste. 

Classés monument historique en 1998, les jardins ont évolué au fil du temps et ont fait l’objet de restaurations successives. Mme Mathiot-Mathon et son mari, passionnés de jardins et de patrimoine, ont acquis La Ballue et ont poursuivi cette démarche de restauration et d’entretien. Elle a eu en particulier une démarche de gestion de la lumière et du volume de l’espace arboré et a travaillé en collaboration avec des arboristes : « travailler au jardin est essentiel à l’équilibre d’être humain, la qualité de vie est très améliorée ».

 LA RESTAURATION

Qu’est ce qui vous a donné cette envie de restaurer et de conserver ces jardins ?

Je souhaitais avant tout « emmener La Ballue vers demain ». En effet, dans les jardins, il y a un caractère évolutif, la fois vivant et fragile. Il faut garder à l’esprit qu’il n’y a jamais rien d’acquis dans un jardin.

Cela a été un vrai choix : nous arrivions d’un autre château, avec des connaissances préalables, et nous devions nous installer en Bretagne. 

Mon mari et moi même faisions un nouveau métier, des chambres d’hôtes, et nous avions donc des exigences sur la demeure et son environnement. Bien sûr, les jardins étaient un complément indispensable de la maison. Nous souhaitions une demeure historique, et la très belle harmonie entre l’architecture du château et le jardin a provoqué un véritable choc lorsque nous avons visité La Ballue.

Le Château sépare deux univers entre la cour vers le monde extérieur, et le jardin vers un monde intérieur et chaleureux. Nous voulions redonner vie à cet endroit, et ma famille m’a aidé à insuffler ce nouveau souffle.

Avez vous retrouvé des archives et des documents pour ainsi reproduire la disposition et les formes du jardin ?

Nous n’avons pas retrouvé de réelles archives sur les jardins du 17e siècle, mais nous avions le plan du nouveau jardin réalisé en 1973 par Claude Arthaud.

Comment s’est passée la restauration ? Quelles furent les premières étapes ? Combien de temps cela a t’il pris ?

J’ai effectué une analyse du jardin avec des spécialistes architectes à la DRAC et des arboristes. Il s’agissait de respecter l’oeuvre, tout en y prêtant des désordres et des anomalies afin de le renouveler dans le même temps. J’ai aussi créé le jardin des douves.

Le jardin a été refait par Claude Arthaud et j’y ai rajouté quelques éléments. Il est, en soi, en restauration permanente puisqu’il faut l’entretenir quotidiennement.

Nous avons donc réussi à améliorer la qualité de présentation, l’entretien du jardin…

Ce n’était pas toujours simple puisque le remplacement des végétaux vieillissants ou malades nécessitait de prendre déjà des végétaux très présents, de grandes tailles pour les remplacer, le jardin étant déjà mature. Par exemple, nous avons effectué la replantation de certaines chambres de verdure tel que le bosquet à attrape.

Un autre exemple de restauration est celle de la marquise de l’allée des tilleuls : tous les ans, la taille doit être entretenue. Il faut donc savoir « conduire », c’est à dire plier ou couper la bonne branche afin d’avoir la forme voulue. Cette technique d’arboristes est assez expérimentale et risquée à la fois. Mais le jeu en a valu la chandelle !

En quoi est-ce que la restauration des jardins allait de pair avec celle du château (axes définis…) ?

Le jardin est complètement lié au château. Dès 1615, le château est pensé avec des terrasses comprenant des jardins à la française, un verger et un potager. La disposition du jardin baroque italien s’inscrit dans le paysage en continuité de la maison. On peut d’ailleurs voir cette liaison dans la salle à manger : le plafond à caisson représente comme un plan des jardins qui y font face.

Qu’est-ce exactement que l’art topiaire ?

Il s’agit de tailler les végétaux pour leur donner des formes très variées. Ici, ce sont des topiaires à l’italienne, fantaisistes, extravagantes.

Avez-vous un ou des jardiniers en particulier ? Est-ce difficile d’en trouver pour conserver l’art topiaire ? Combien de fois par semaine, par mois ou par an faut-il les entretenir ?

Nous avons trois à cinq jardiniers tous les jours et un spécialiste en art topiaire. Il vient nous aider en supplément au moment de la taille, qui se réalise de juin à octobre tous les ans. En outre, les interventions sur les arbres sont réalisées par des arboristes grimpeurs, à chaque hiver.

Trouver des professionnels est devenu une problématique récurrente, car le métier de jardinier semble être dévalorisé. Nous n’avons pas les mêmes jardiniers chaque année, c’est pourquoi c’est compliqué et nous essayons de nombreuses choses.

Le problème pour trouver ces compétences c’est que souvent, soit les jardiniers sont très performants mais ne veulent pas vivre en milieu rural, soit ce sont des personnes locales moins qualifiées qu’il faudra former.

Organisez-vous des évènements dans vos jardins ?

Tout à fait, nous avons deux sortes d’évènements :
– le jardin pur, le végétal avec des week-ends de démonstration de l’art de la taille (art topiaire), et la taille des rosiers (depuis 2 ans).
– le culturel avec la danse, la musique…

Je suis souvent partagée entre l’intérêt d’animer le jardin mais aussi de le faire vivre autrement. C’est un lieu serein pour la visite et ces évènements doivent rester de simples moments précieux dans l’année.

Quelles sont les difficultés de la restauration d’un jardin remarquable ?

Dans la restauration, les difficultés habituelles sont surtout : 
– la fragilité du lieu, 
– le coût, 
– les collaborateurs.

Ce qui est le plus ardu, ce sont évidemment les coûts. Ils incorporent la masse salariale (les jardiniers, grimpeurs…), les équipements (quand je suis arrivée il n’y avait rien), les végétaux… Le financement privé est assez conséquent ! 

Avez-vous des conseils à donner à des propriétaires concernant la restauration de jardins ?

Un conseil en restauration : il faut savoir s’entourer des bonnes personnes. Il est bon aussi d’avoir des objectifs de long terme. Etre passionné, déterminé, courageux et entier pour y arriver !

Pour aller plus loin :

Interdiction du glyphosate pour les jardins historiques

Gérer et optimiser son domaine forestier

Prix et financements du patrimoine jardinier et paysager

Jardins d’Histoire, restauration et réhabilitation de Parcs et Jardins historiques

Jardin Patrimoine, restauration et création de parcs et jardins