Quelles stratégies efficaces pour une levée de fonds en mécénat ?
L’important à retenir dans cet article :
Des restaurations de moyenne ou de grande envergure, les propriétaires de châteaux en ont bien souvent. Bien souvent aussi s’interrogent-ils sur la possibilité de les faire financer par du mécénat. Mais de quoi parle-t-on réellement ?
Cet article permettra de :
– Connaître et comprendre les différentes formes de mécénat : en numéraire, en nature, de compétence, de partenariats média ou croisé.
– Appréhender les types de restaurations éligibles au mécénat avec trois exemples concrets
Introduction
L’État français subit aujourd’hui d’importantes difficultés budgétaires. La part qu’il réserve à la sauvegarde du patrimoine historique se révèle donc bien insuffisante. C’est face à cet état de choses que les entreprises se retrouvent sollicitées pour prendre la relève. Elles viennent à « la rescousse des châteaux français » . Elles deviennent ce qu’on appelle des mécènes.
Un article précédent donne une définition intéressante du mécénat. Il s’agit du soutien financier, matériel ou de compétences apporté par une entreprise ou un particulier à une action ou une activité d’intérêt général (culture, recherche, humanitaire).
Selon l’ADMICAL, le mécénat d’entreprise ne cesse d’augmenter depuis une dizaine d’années. Selon François Debiesse, président de l’association, « Le contexte économique et politique est favorable (…). Les entreprises ont en effet compris le rôle sociétal qu’elles peuvent jouer pour soutenir les initiatives positives de notre pays. »
Les chiffres clés du mécénat en France.
En 2017, la majorité des mécènes sont des TPE (62 %) et des PME (34 %). Les entreprises mécènes privilégient les initiatives locales ou régionales (89 %). En outre, 83 % des structures soutenues sont des structures privées. Les principaux domaines concernés par le mécénat sont le social (28 %), la culture et le patrimoine (28 %) et l’éducation (23 %).
1- Les différentes formes de mécénat
Bien souvent, face à des travaux importants, les propriétaires de monuments historiques s’interrogent sur la possibilité de faire appel à des fonds privés via le mécénat. Avant 2007, seuls les monuments publics pouvaient faire appel à ce type de financement. La loi de finances pour 2007 l’ouvre désormais aux propriétaires privés de monuments historiques classés ou inscrits. Ils peuvent donc bénéficier du soutien financier ou matériel d’entreprises, organisations ou personnes privées pour restaurer leur monument.
Quand on pense au mécénat, on imagine bien souvent qu’il s’agit d’un don en argent. Il existe pourtant cinq sortes de mécénat.
a) Le mécénat financier ou en numéraire
Définition : Il s’agit d’un don d’argent au profit d’un projet d’intérêt général.
Qui est mécène ? Aujourd’hui, 92% des entreprises mécènes utilisent cette forme de mécénat. Elle représente 84% du budget total du mécénat en France.
Pour quel type de projet ? Le mécénat en numéraire est la forme de mécénat la plus utilisée. Il permet de financer tout type de projets de la restauration de mobilier à la réhabilitation de parcs et jardins.
Exemples : On peut citer l’engagement de la Fondation d’entreprise du Groupe GDF Suezen faveur du patrimoine bâti. Chaque année, depuis 1994, la fondation signe des conventions pluriannuelles pour la restauration et la création de vitraux. Il en est de même pour les Fondations Velux qui ont restauré la verrière de la Rotonde d’Antin du Grand Palais à Paris ou encore les vitraux de la Sainte-Chapelle.
b) Le mécénat en nature
Définition : Le mécénat en nature consiste à mettre à disposition du demandeur des produits ou des services.
Qui est mécène ? En moyenne, 39% des entreprises mécènes font du mécénat en nature et 42% d’entre elles sont des ETI et des grandes entreprises.
Pour quel type de projet ? Le mécénat en nature se décline dans le don d’un bien immobilisé (véhicule, mobilier, matériel…), la fourniture de marchandise en stock (matériel informatique, sonos…) ou encore la prestation de services (réparations, entretien, imprimerie…).
Exemples : Au château de Sassenage , propriété de la Fondation de France, des demandes ont été mises en ligne sur le site internet du château afin d’obtenir des produits et matériel spécifique : de la peinture pour l’embellissement des salles, des gravillons pour la Cour d’honneur, de la signalétique pour la partie Musée. Une manière étonnante mais bénéfique de financer ses restaurations et aménagements !
Par ailleurs, des plateformes web permettent la mise en relation d’associations avec des entreprises. Dans ce cadre, l’Agence du Don en Nature créée en 2009 permet aux industriels de redistribuer aux associations leurs excédents de stocks non alimentaires. Ainsi, depuis sa création, 13 millions d’euros de produits neufs ont été redistribués à un réseau composé de 260 associations.
c) Le mécénat de compétences
Définition : Dans le cadre du mécénat de compétence, l’entreprise mécène agit dans son domaine d’expertise en assurant l’exécution directe et la charge financière des travaux grâce à l’implication de ses salariés. Ceux-ci assurent leurs missions de mécénat sur leur temps de travail. Ce mécénat est aujourd’hui très en vogue parce qu’il répond parfaitement à la politique RSE (responsabilité sociale) des entreprises qui l’intègre désormais dans leur stratégie. Il permet :
– Au salarié d’être impliqué dans la vie de l’entreprise et de l’enrichir de nouvelles expériences ;
– À l’entreprise de développer son impact social et de renforcer sa réputation et la cohésion de ses équipes ;
– Au demandeur d’acquérir un appui humain et de nouveaux savoir-faire pour développer son activité.
Qui est mécène ? 20% des entreprises mécènes font du mécénat de compétences. Cette forme de mécénat représente 13% du budget du mécénat en France.
Pour quel type de projet ? Le mécénat de compétences est très utilisé pour le patrimoine bâti.
Exemples : On peut citer des exemples de grands groupes qui font œuvre de mécénat de compétence en faveur du patrimoine bâti, via leurs Fondations :
– Vinci qui a restauré la galerie des glaces du château de Versailles ;
– Bouygues qui a restauré des éléments patrimoniaux de l’Hôtel de la Marine à Paris ;
– Eiffage qui a restauré les colonnes de Buren du Palais Royal et la Rotonde Zambelli du Palais Garnier.
d) Le mécénat de partenariats média
Définition : On parle de mécénat de partenariats média lorsqu’un média décide de mettre à disposition gratuitement ou à tarif réduit un espace publicitaire à un porteur de projet.
Qui est mécène ? Le média devient mécène en tant que relai d’initiatives positives et révélateur de projets.
Pour quel type de projet ? Tous les types de projets sont visés. Dans le patrimoine, ces aides touchent les initiatives culturelles (ouverture à la visite) et les grands projets de restauration.
Exemples : À l’occasion des Journées Européennes du Patrimoine ou au lancement de votre projet d’activités, alertez la presse locale et invitez-les !
e) Le mécénat associé ou mécénat croisé
Définition : Le mécénat croisé est une action qui agit à la fois sur deux domaines comme par exemple l’art et le handicap visuel.
Qui est mécène ? Les entreprises qui utilisent cette forme de mécénat sont, en général, celles qui craignent qu’on leur reproche des dépenses considérées comme non prioritaires. Elles préfèrent alors se tourner vers les actions sociales. Grâce au mécénat croisé, il n’y a pas de difficulté pour faire d’une pierre deux coups !
Pour quel type de projet ? Cette forme de mécénat est très utilisée en période de crise lorsque le mécénat financier est plus difficile à justifier et apparaît davantage comme un luxe. Il est beaucoup utilisé pour les parcours de visites de musées.
Exemples : Au musée George Pompidou à Paris, la Fondation Swiss Life a concrétisé un partenariat avec une association sur la maladie d’Alzheimer. Une structure de visite guide à destination des personnes atteintes de cette maladie a donc été mise en place.
Au théâtre de l’Odéon à Paris, quatre programmes incorporent également des axes sociaux et culturels.
2- Des exemples de restaurations qui ont fait l’objet de mécénat dans les châteaux
Depuis plusieurs années, le mécénat dit « patrimonial » retient l’attention des entreprises. Ce mouvement s’est beaucoup accentué avec notamment la mission Stéphane Berne ou encore l’incendie de Notre Dame de Paris. Ces initiative et évènement ont renforcé le sentiment de proximité des Français et des entreprises à l’égard du patrimoine.
a) Les travaux réalisés grâce au mécénat au château de Bourron (Essonne)
Au château de Bourron, propriété de Guy et Estrella de Cordon, différents chantiers de restauration ont été menés depuis 2018 grâce au mécénat. Il aura fallu huit mois et demi de travaux pour restaurer les trente-sept marches de l’escalier en fer à cheval du château, typique de cette région du Gâtinais, non loin du château de Fontainebleau. Ce ne sont pas moins de 270 000 euros qui ont été financés via le mécénat.
En outre, des chantiers de restauration des statues et fontaines du parc ont été permis grâce à l’appui d’une entreprise du bâtiment qui a proposé ses compétences pour former le personnel du château. Un mécénat de compétences mis à profit pour apprendre à enlever les mousses et champignons présents sur les objets en pierre : statues, bancs, puits…
Par ailleurs, cette même société a fait œuvre de mécénat en nature en proposant de remplacer le socle d’une statue de l’empereur Alexandre le Grand, à hauteur de 7 200 € HT. La reconstitution de la tête du personnage, dérobée en 1983, fera l’objet dans un deuxième temps d’une campagne de crowdfunding, dont la reconstitution est en projet.
b) Six campagnes de mécénat en numéraire pour le château de Gizeux (Indre-et-Loire)
Juin 2019 a été un tournant important dans la vie du château de Gizeux, propriété de Géraud et Stéphanie de Laffon. Un mois fondamental qui a été marqué par l’inauguration de la fameuse Galerie des châteaux, entièrement restaurée en seulement sept années. À la fois fierté et trésor du château de Gizeux, la Galerie des Châteaux avait été réalisée dans les années 1680-1685 par une école de peinture. Ce ne sont en effet pas moins de 400 m² de peintures murales, représentant les grands châteaux royaux comme Chambord ou Versailles, qui devaient être sauvés de l’humidité !
Un chantier extraordinaire qui a été permis grâce à la mise en place de six campagnes de mécénat participatif successives, financées via My Major Compagny puis Dartagnans.
c) Les chantiers participatifs de l’association historique de Marcoussis dans l’Essonne
Au château de Montagu, l’Association historique de Marcoussis ( AHM), créée en 1990, s’est fixée pour objectif de protéger le château, de le restaurer et de le transformer en un lieu de formation et de découverte de l’architecture médiévale.
Reconnue d’intérêt général, l’association organise des chantiers de bénévoles depuis une vingtaine d’années en association avec le Groupement REMPART d’Ile de France. Prendre part à un chantier participatif dans le cadre de la sauvegarde d’un monument historique, à titre bénévole, c’est déjà être mécène puisqu’il favorise la mise en œuvre des compétences de chacun pour un projet déterminé.
À Marcoussis, l’AHM propose des activités de jeunesse et d’éducation populaire et a été, à ce titre, agréée Jeunesse et Éducation Populaire.
Conclusion
Le mécénat est donc une excellente manière de trouver des financements pour la restauration des monuments et des oeuvres d’art qu’ils abritent. Aujourd’hui, la démarche RSE des entreprises tend vers le soutien des projets culturels et patrimoniaux locaux. Dans un monde qui traverse une forte crise, la quête de sens est plus que sous-jacente, aussi bien chez les particuliers que chez les entreprises. Alors, à vos projets !
Pour aller plus loin :
– Le site du Ministère de la culture
– Les prix de mécénat via l’Association pour les Monuments Historiques
– Le Réseau REMPART
A vous de jouer ! Si vous avez d’autres questions, n’hésitez pas à nous écrire : contact@hephata.fr