Recevoir du public dans les jardins classés

Comment recevoir du public dans les jardins, qu’ils soient classés ou non ? Hephata a interrogé Marie-Françoise Mathiot-Mathon, propriétaire du Château et des jardins de La Ballue.

L’important à retenir dans cet article :

Marie-Françoise Mathiot-Mathon est une passionnée de l’art des jardins, qu’elle considère comme un véritable partage culturel. En effet, ces jardins sont lieu de rencontres : public, photographes, réalisateurs… Le spectacle est toujours renouvelé au fil du temps, des saisons, et des contacts. Elle aime communiquer sur ce lieu unique et aux univers différents, d’Alice aux Pays des Merveilles au jardin « zen japonais », en passant par la mise en scène du paysage à travers la vague d’ifs. Au vu de son site internet clair et épuré et du succès de ses jardins, nous avons interviewé Marie-Françoise qui se charge elle-même de la communication autour de son site.

Votre public

Quel type de public accueillez vous ? Comment fait-on venir des jeunes à visiter à jardin, de quoi faut-il parler ?

Pour apprécier les jardins, nul besoin d’être un érudit, une sensibilité prononcée pour l’esthétique et la poésie sont seuls nécessaires ! Nous accueillons un public varié, bien que davantage à partir de 40 ans, et nous avons une politique incitative pour les enfants grâce à la gratuité jusqu’à 10 ans. Quelques groupes de personnes handicapées viennent nous visiter, et nous sommes heureux de leurs apprendre des éléments pratiques. Mais, nous regrettons de ne pas pouvoir accueillir plus de jeunes publics parce qu’ils seraient très certainement sensibles à cet art si particulier du jardin…. 

Nous ne recevons pas beaucoup de jeunes, il s’agit alors d’étudiants en art, jardins, paysages, ou architecture. Il s’agit plutôt d’un public à partir de 35-40 ans, assez cultivés.
Nous sommes ouverts à l’international, avec plus de 50% d’étrangers qui louent des chambres et un tiers qui visitent les jardins.

Nous avons une problématique double : deux sites et deux activités différentes, celle de l’accueil des jardins et celle de l’hébergement. Il faut donc toujours être à la pointe. 

Pensez-vous qu’il s’agisse de l’art topiaire en particulier qui fascine les visiteurs ou bien l’ambiance générale du jardin ?

Les personnes ne connaissent pas forcément l’art topiaire, qui consiste en la taille des végétaux. Je pense donc que c’est plutôt l’ambiance du jardin qui est propice à la réflexion et à la quiétude, et qui attire les visiteurs. 

L’excès de fréquentation fait perdre de la sérénité au lieu. C’est pourquoi, je fais tout pour que les gens s’y sentent bien et comme chez eux. C’est, pour ainsi dire, un jardin de la liberté.

Votre communication

Comment communiquez-vous sur vos jardins ? Plutôt en face à face ou digital ? Comment fait-on connaître un jardin ?

En ce qui concerne le face à face, l’accueil est personnalisé : nous prenons le temps pour leur parler du domaine, leur présenter le jardin, leur remettre le document de visite… Nous sommes présents pour nos visiteurs.

Je suis très active en communication, ayant reçu une formation webmarketing. Mais je me fais quand même aider par une attachée de presse. J’entretiens des relations privilégiées avec la presse (journal Architectural Digest par exemple), la télévision (pour des reportages institutionnels…).

Je suis également en contact avec de nombreux photographes, tels que Yann Monel qui est le photographe du jardin et avec qui un livre a été réalisé Les Jardins de La Ballue.

La communication passe par plusieurs canaux :
– le papier (les dépliants touristiques par exemple) ;
– les réseaux sociaux. Je suis très présente sur les réseaux sociaux, comme Instagram(800 followers), Twitter, et Facebook (1500 likes qui ont fait monter les statistiques). On y poste les aventures du quotidien (tissus muraux, restauration des toitures…) mais aussi des articles, comme par exemple celui sur le tournage du film d’Anthonin Peretjatko ;
– les sites web. J’ai deux sites, un pour le château (Château de La Ballue) et un pour les jardins (avec word press, Jardins de La Ballue), qui sont en permanence actualisés et complétés.

Il faut toujours être présent un maximum sur la toile et également faire attention aux sites d’avis. Dans la communication digitale, il est aussi important de constituer :
– des mailings
– des fichiers (clients, partenaires et médias).

Pour que les gens aient envie de revenir, la base est de réussir à joindre tous ces éléments !

En plus de la communication à proprement parler, avez-vous d’autres moyens pour atteindre vos visiteurs potentiels ?

Il faut aussi du contact physique : une boutique, un salon de thé… Nous proposons aux visiteurs de laisser leurs coordonnées email pour être tenus au courant des évènements que nous organisons.

Il est important de nous adapter à notre public : aujourd’hui la communication est forcément bilingue, au moins en anglais.

Au début, ce qui a été important c’était de définir la marque et ainsi de relancer la communication. Nous avons créé une véritable identité La Ballue, avec une ligne graphique identique depuis le début, un logo…

L’animation de vos jardins fait-elle partie de votre communication ? Comment s’organise-t-elle ?

Nous faisons de nombreuses animations dans divers domaines : la musique (3-4 concerts par an), l’opéra, le théâtre, la danse…Par exemple, nous avions réalisé une animation « Pâques au pays des merveilles ». Il y avait un côté « fait maison » et un univers ludique (qui est évidemment un des rôles importants du jardin).

Le lieu a permis des rencontres extraordinaires dans beaucoup de domaines (cinéma, musique, danse…). Il est très ouvert à l’Art Contemporain et rend possible la découverte de choses inimaginables.

Un autre exemple : le festival de danse contemporaine Extension Sauvage, avec Lattifa Laabissi. Dans ce cas, le jardin devient une proposition scénographique pour les danseurs, et le lieu permet de dépasser ses propres limites. Le festival est important pour s’inscrire dans le territoire.

Les animations demandent beaucoup d’énergie mais tous ceux qui travaillent ici s’impliquent beaucoup. Nous nous établissons comme la vitrine d’un savoir-faire artisanal français : il est impératif d’éviter toute faute de goût ! 

Je suis très sollicitée car les évènements jardins sont importants et diversifiés. La clé est une bonne signalétique et surtout un travail de communication. Il faut être très réactif, et ne rater aucun article de presse.

Cherchez-vous à avoir des retours de vos visiteurs ? Si oui par quels moyens (sondages, commentaires…) ?

Le public est souvent heureux d’avoir pu visiter nos jardins, qui sont un lieu d’échange social. Nous bénéficions de nombreux retours car nous sommes très à l’écoute, d’abord en direct mais aussi à travers de multiples outils de suivi : que ce soit par mail, ou dans les commentaires de sites touristiques tels que TripAdvisor, Booking… Nous effectuons une vérification presque quotidienne de ces messages, cela nous permet de prendre en compte les avis des visiteurs et ainsi de toujours nous améliorer.

Avez-vous des labels, des partenariats ?

Il est très important de travailler sur les labels : par exemple, celui de Jardin Remarquableest renouvelé tous les cinq ans, il faut donc toujours rester au top !
C’est notre troisième renouvellement de ce label : nous en avons eu un en 2005, 2011-2012, et 2016.

Mais ce n’est pas tout : il faut rechercher d’autres labels. Par exemple, effectuer une démarche de labellisation Qualité Tourisme, accomplie avec les chambres de commerce. Ils sont très exigeants et pourtant il s’agit déjà de notre troisième ou quatrième renouvellement.

Outre les labels, les partenaires sont évidemment primordiaux, que ce soit en guides papiers (Le Routard, Le Petit Futé…) et les sites spécialisés.

De même, je suis entrée cette année dans l’association des Plus Beaux Jardins de France(avec Bruno Monnier à la direction).
Cette démarche de labelisation est lente, progressive car elle se pense en fonction de nos développements tout autant que de nos découvertes des nouveaux labels. Nous restons donc bien attentifs à « ce qui se fait ». 

Quels sont vos résultats ?

Nous avons environ 6500 à 7000 visiteurs par an. La communication autour des jardins est un travail indirect de communication qui sert à la notoriété de notre activité d’hébergement.

Nous avons aussi reçu le prix du tourisme numérique il y a 3 ans, un trophée du tourisme, le Prix Européen des Jardins… Ce dernier a permis des retombées presses incroyables ! Cela démontre au public que nous avons réussi à professionnaliser un lieu chaleureux, tout en restant unique et haut de gamme.

Quels conseils donneriez-vous à des propriétaires qui essaient de suivre la même voie que vous ? Comment recevoir du public dans les jardins classés ?

Il faut être très patient car les répercussions sont lentes sur le nombre d’entrées.
Le bouche à oreille est très important, et cela fonctionne très bien notamment grâce à la qualité.

Le nombre d’entreprises touristiques en Bretagne étant important, nous avons une disproportion entre le nombre de visiteurs et la reconnaissance médiatique : beaucoup de presse mais pas assez de public. Nous réfléchissons donc à d’autres axes de développement, comme par exemple ouvrir un restaurant. Cela reste compliqué car il est difficile de trouver du personnel dans la même dynamique…

Pour aller plus loin

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