Comment les entreprises relient patrimoine et politique RSE ? Les grandes entreprises qui intègrent le patrimoine à leur politique RSE décuplent leurs impacts économiques, écologiques et sociaux
L’important à retenir dans cet article
Les entreprises investissent dans le patrimoine naturel dans une dynamique de protection de l’environnement, de l’écosystème. Valoriser son engagement RSE à travers le patrimoine naturel est-ce donc si simple ?
Cet article vous permettra de comprendre la stratégie d’investissement des entreprises qui s’engagent en faveur du développement durable, à travers différentes actions :
– Garantir la qualité et la provenance des matières premières
– Bénéficier de labels et de certifications
– S’inscrire dans une politique de compensation écologique
– Promouvoir un engagement éthique et responsable en faveur du développement durable et apporter des preuves de cet engagement
Une stratégie d’acquisition qui vient porter un engagement RSE
Face à l’urgence de protéger l’environnement, de nombreuses entreprises se sont engagées dans la réduction des dépenses énergétiques, le recyclage des déchets, la formation des salariés autour du développement durable, notamment. Ces engagements s’inscrivent, de manière plus large dans une politique encadrée : la Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) qui, selon la Commission Européenne est « la responsabilité des entreprises vis-à-vis des effets qu’elles exercent sur la société ».
Il s’agit pour les entreprises d’intégrer volontairement les préoccupations sociales et environnementales dans le cadre de :
– Leurs activités commerciales
– Leurs relations avec leurs parties prenantes
La RSE s’appuie sur trois piliers, la triple bottom line, qui transpose la notion de développement durable à l’échelle de l’entreprise : un développement économiquement efficace, socialement équitable et écologiquement soutenable.
Selon Madame Gro Harlem Brundtland, Première Ministre norvégienne qui préside la commission en charge du futur Rapport Brundtland sur l’environnement et le développement en 1987, le développement durable est un « développement qui répond aux besoins du présent sans compromettre la capacité des générations futures de répondre aux leurs ».
Aujourd’hui par exemple la filière du bois est très controversée. Se posent en effet de réelles questions sur l’origine du bois et sur le pillage des forêts ainsi que de mauvaises gestions de la production en bois. Internaliser les matières premières de la filière bois s’inscrit dans une logique RSE. Elle permet notamment de :
– Garantir la provenance des matériaux et d’offrir une vraie transparence aux acheteurs sur toute la chaîne de production
– Solliciter des labels écologiques et responsables
– Lutter contre le vandalisme
Garantir la qualité et la provenance des matières premières
Pour les entreprises de production, acheter des ressources en matières premières permet une gestion en direct de leur approvisionnement. Aussi, cela leur permet de garantir la provenance des matériaux utilisés.
Les entreprises qui achètent des ressources en matières premières et deviennent donc elles-mêmes productrices de ces dernières peuvent ainsi offrir une transparence aux acheteurs sur toute la chaîne de production. Il leur est plus simple de tracer la qualité des matières utilisées et également de vérifier qu’elles proviennent d’une gestion responsable et légale.
Des méthodes sont mises en place pour permettre l’identification du matériau utilisé dans les stocks mais aussi sur les documents commerciaux des entreprises. Achats et ventes sont ainsi contrôlés et tracés, pour assurer au consommateur final une fiabilité maximale. Ces méthodes peuvent intégrer une démarche de labellisation ou de certification.
Pouvoir bénéficier de labels et de certifications
Les concepts comme le financement éthique, le commerce équitable ou le développement durable sont mesurés par des normes, des labels ou des certifications. Dans le cadre d’une démarche RSE, la labellisation et la certification sont donc des leviers très utilisés. Ils permettent, en effet, aux entreprises de structurer leur démarche et de la valoriser auprès de leurs différentes parties prenantes. La labellisation consiste à se faire attribuer une marque spéciale, le label, qui garantit l’origine et un niveau de qualité défini. La certification, quant à elle, permet aux entreprises de faire reconnaître que leurs produits et services sont conformes aux normes et règlements en vigueur.
Dans la filière du bois, on retrouve notamment le label FSC et la certification PEFC.
Le label FSC
Le label Forest Stewardship Council (FSC), créé en 1993, promeut une « gestion responsable des forêts ». En outre, il permet de contrôler les produits issus de ses forêts certifiées depuis leur origine jusqu’à leur distribution en passant par le processus de fabrication. L’objectif du label est donc de garantir que les produits utilisés proviennent de ressources contrôlées et prélevées de manière responsable. À titre d’exemple, l’Europe possède plus de 48% des forêts certifiées FSC dans le monde.
Pour être labellisé FSC, l’entreprise certifiée doit répondre à dix principes :
- Respecter les lois en vigueur ainsi que les traités internationaux
- Préserver ou accroître le bien-être social et économique de ses travailleurs
- Respecter les populations autochtones (en dehors de la France métropolitaine)
- Maintenir ou améliorer le bien-être social et économique, à long termes des communautés locales dans chaque opération de gestion forestière
- Encourager l’utilisation efficace des produits et services de la forêt pour en garantir la viabilité économique
- Mettre en œuvre une gestion forestière qui maintient les écosystèmes, la diversité biologique et les valeurs qui y sont associées
- Disposer d’un document de gestion appliqué et mis à jour régulièrement
- Évaluer les pratiques de gestion par un suivi sérieux (qualité et quantité des produits forestiers, maintien des valeurs de conservation)
- Identifier, évaluer, préserver et suivre les Hautes Valeurs de Conservation présentes dans son unité de gestion
- Mettre en œuvre des activités de gestion qui respectent l’ensemble des principes et critères du FSC, et visent à atteindre les objectifs économiques, environnementaux et sociaux décrits dans le document de gestion.
La certification PEFC
La certification forestière PEFC atteste du respect des fonctions environnementales, sociétales et économiques de la forêt. Elle repose sur deux mécanismes complémentaires :
La certification forestière qui atteste :
– De la gestion durable de la forêt
– Du respect des fonctions environnementales, sociétales et économiques de la forêt
La certification des entreprises qui transforment le bois : ce mécanisme permet d’assurer la traçabilité de la matière depuis le prélèvement du bois en forêt jusqu’à la commercialisation du produit fini en passant par toute la chaîne de transformation.
Enfin, certaines entreprises s’engagent par le biais d’une charte développement durable. C’est le cas notamment des établissements et entreprises publiques qui doivent se montrer exemplaires en la matière. La signature d’une telle charte les engage à :
– Mener une réflexion stratégique de développement durable
– Traduire cette réflexion dans sa vision, ses projets, son management et sa façon de rendre compte, en impliquant le personnel et les différentes parties prenantes
– Élaborer un document stratégique de développement durable
– Élaborer et piloter, dans le cadre de son document stratégique, un plan d’actions permettant d’intégrer les principes de gouvernance et de mise en œuvre
S’inscrire dans une politique de compensation écologique
Le mécanisme de compensation écologique vise à compenser les potentiels impacts négatifs que pourrait produire sur la biodiversité un aménagement ou un projet de construction. Ce mécanisme intervient donc en amont du projet.
Il s’agit souvent de venir compenser les impacts liés à des chantiers de construction urbanistiques tel que la construction d’infrastructures, de zones d’activités commerciales ou industrielles etc. Ces compensations peuvent être des :
– Travaux de restauration de milieux ou d’espèce
– Opérations de gestion
– Processus immatériels comme la formation ou la sensibilisation des usagers
– Opérations de protection comme la création d’une réserve naturelle
Ainsi, beaucoup de promoteurs immobiliers utilisent ce levier pour compenser leurs impacts liés à la construction de centres commerciaux, de parking etc. Ils détruisent une partie de la biodiversité mais se dédouanent par des travaux d’ingénierie écologique.
Promouvoir un engagement éthique et responsable en faveur du développement durable et apporter des preuves de cet engagement
Les géants commerciaux du numérique et du commerce investissent dans les énergies vertes. Ainsi, Google, Amazon ou Facebook investissent dans les panneaux solaires ou l’éolien. Apple est, quant à lui, propriétaire de plus de 14 500 hectares de forêt notamment en Chine.
Ces groupes internationaux achètent des forêts pour les gérer intégralement. L’idée est de promouvoir une gestion durable mais aussi de s’engager dans les actions en faveur des énergies renouvelables. Ces entreprises ont besoin de montrer au monde leurs actions en matière de protection de l’environnement.
Apporter les preuves de cet engagement passe notamment par :
– Une démarche de labellisation et de certification
– La publication récurrente de chiffres clairs et précis via des communiqués de presse, par exemple pour Ikea
Mais attention au greenwashing, même dans le cas de la marque Ikea, avec sa campagne “Agir à la racine” qui consistait à arracher un sapin des forêts commerciales pour sauver les forêts avec L’Office National des Forêts. Ces entreprises peuvent être accusées de mal gérer leurs forêts et d’essayer de s’acheter une conscience…
Exemples
Cas n°1 : la filière du bois avec Porada
« Promouvoir son engagement éthique de l’utilisation du bois », voilà les mots qu’utilise la marque de mobilier italienne Porada qui s’engage en matière d’engagement éthique et responsable en matière environnementale. Son ambition ? Valoriser son action comme utilisateur de bois responsable et respectueux de la nature.
En outre, pour montrer son engagement RSE au sein de ses acquisitions de forêts, Porada :
– Pratique une gestion très conservatrice de la forêt
– Limite les coupes de bois
– Utilise le bois de manière responsable et respectueuse de la nature
– Promeut le « bois durable »
Cas n°2 : la compensation écologique avec les promoteurs immobiliers
C’est dans ce cadre de compensation écologique que les promoteurs REI Habitat et Icade ont signé un accord-cadre avec la société Néosylva. Cet accord permet aux deux promoteurs d’acquérir des droits sur les forêts de Néosylva et d’acheter la capacité de ces forêts à séquestrer le carbone atmosphérique. Le projet consiste à acquérir par avance 200 000 m² potentiels de bâtiment bois dans les cinq ans pour la construction de deux bâtiments de 5 000 m² sur l’île de Nantes. Le chantier requiert 700 ha de plantations et engage Néosylva à replanter 10 ha en Loire-Atlantique. Ces travaux doivent être certifiés auprès du label Bas Carbone.
« Concrètement, un constructeur a intérêt à dire moi, je construis en bois français et en plus, je replante » affirme Jean Guenolé-Cornet, président fondateur de la société. En échange de la garantie de renouvellement de la forêt dans 50 ans, les promoteurs s’engagent alors à reverser à Néosylva entre 1 000 et 3 000 € par hectare reboisé.
Cas n°3 : la certification avec Groupama Immobilier
Pour Stéphane Le Goff, Responsable Investment&Asset Management Forêts chez Groupama Immobilier, acheter des forêts c’est valoriser « la structure foncière des massifs forestiers en gestion, tout en participant au remembrement foncier ». Le stock de carbone séquestré dans les forêts de la société illustre sa contribution à l’atténuation des émissions de gaz à effet de serre de la France. Aussi, l’ensemble des forêts de la Société Forestière Groupama, est certifié PEFC, programme de reconnaissance de la gestion durable, et qui favorise la biodiversité.
Conclusion
Ainsi, acheter du patrimoine naturel est une manière pour les entreprises de mettre en avant leur politique RSE. Cela leur permet de garantir la qualité et la provenance des matières premières qu’elles utilisent et aussi d’obtenir des labels et des certifications qui leur permettent de « valider » tous leurs engagements.