En France, le tourisme de mémoire permet aux territoires de valoriser leurs monuments et sites marqués par l’histoire.
L’important à retenir de cet article :
Le tourisme de mémoire est une notion très vaste englobant une quantité de lieux de mémoire divers. Toutefois, plus le lieu est chargé d’une histoire sombre et contemporaine, à l’instar des deux guerres mondiales, plus il attirera les publics. En effet, l’aspect sensible est très important dans le tourisme de mémoire. Le recueillement et la commémoration sont des motivations pour les visiteurs.
– Le tourisme de mémoire fonctionne bien en France et se développe de plus en plus.
– En effet, les lieux de mémoire sont nombreux en France et jalonnent l’intégralité de son territoire.
Introduction :
Le tourisme de mémoire est pratiqué depuis plusieurs années. À travers le fil rouge du patrimoine mémoriel et de l’histoire, le tourisme de mémoire permet aux voyageurs de découvrir un territoire. Pour l’anthropologue Franck Michel, le tourisme de mémoire est avant tout caractérisé par son lien étroit avec le devoir de mémoire : faire mémoire, se recueillir et transmettre aux générations futures.
Répandu dans le monde, le tourisme de mémoire touche à la fois à l’intime et à un patrimoine commun. L’aspect sensible est à prendre en compte dans le tourisme de mémoire, car les lieux touchent souvent à des épisodes funestes de l’histoire.
L’offre touristique de mémoire est un complément économique, culturel et attractif. Sa spécificité le rend unique. Le tourisme de mémoire comprend divers enjeux : pédagogiques, civiques et culturels.
Générant chaque année environ 20 millions de visiteurs en France, le tourisme de mémoire est une pratique importante en France.
Présentation du tourisme de mémoire
Dans l’imaginaire commun, le tourisme de mémoire se résume aux mémoriaux de guerre, surtout ceux des deux guerres mondiales. Bien que les mémoriaux soient très importants dans le tourisme de mémoire, la notion est plus vaste et englobe divers sites historiques.
Le tourisme de mémoire est une forme de tourisme axée sur le patrimoine historique d’un lieu, surtout lorsque celui-ci témoigne ou a été marqué par un évènement ou une période. Néanmoins, il peut aussi s’agir de lieux créés spécifiquement pour accueillir les touristes souhaitant se recueillir autour d’un lieu ou d’un épisode de l’histoire.
Cet évènement ou période peut être fondateur pour l’histoire du lieu et du pays, et/ou potentiellement douloureux. Parmi les lieux concernés par le tourisme de mémoire, il y a notamment :
– Les lieux ayant une histoire marquée par une bataille ou une guerre, comme Les Plages du Débarquementen Normandie ou le Chemin des Dames rancets-de-France ;
– Les mémoriaux et musées dédiés à la guerre, à l’instar du Mémorial de Caen.
Le tourisme de mémoire inclut aussi les anciennes prisons, les forts et citadelles, les bunkers ou encore les bases-sous-marines. Les cimetières sont aussi des hauts-lieux pour le tourisme de mémoire, qu’il s’agisse de cimetières militaires comme celui d’Omaha Beach (Calvados) ou civils comme le cimetière du Père Lachaise(Paris).
Le tourisme de mémoire peut être un but en soi ou une étape sur un parcours. Dans les deux cas, la mise en scène autour des lieux et l’aspect pédagogique sont primordiaux, afin de préserver la sensibilité du public tout en éveillant les consciences.
La part sensible du tourisme de mémoire
L’aspect sensible et émotionnel est très important dans le tourisme de mémoire, car ce dernier touche à notre histoire et ce qu’elle a d’intime. Ainsi, la visite de certains lieux de mémoire marqués par une histoire particulièrement douloureuse doit être réalisée avec tact et pédagogie. Par exemple, à l’échelle mondiale, l’un des sites les plus visités dans le cadre du tourisme de mémoire est le camp de concentration d’Auschwitz-Birkenau. Témoin funeste d’une très sombre période de l’histoire, de nombreux individus ressentent le besoin d’aller s’y recueillir.
Néanmoins, cela sera surtout valable pour des lieux témoins d’une histoire récente. En ce qui concerne les anciennes forteresses ou prisons, l’impact émotionnel n’est pas le même. Certains lieux attirent donc uniquement pour leur aspect historique, voir architectural, tandis que d’autres sont des lieux sensibles, appelant à la commémoration.
Exemple du Mémorial de la Shoah
Ouvert depuis 2005, le Mémorial de la Shoah est un lieu de mémoire consacré à l’histoire juive durant la Sconde Guerre mondiale, dont l’axe central est la Shoah. Le lieu compte différents lieux de mémoire.
Le Mémorial de la Shoah est le fruit de la fusion entre deux entités : le Centre de Documentation Juive Contemporaine (CDJC) et le Mémorial du Martyr Juif Inconnu. La première entité fut créée clandestinement en 1943, en pleine guerre, afin de rassembler et conserver des preuves des actions de persécutions perpétrées à l’encontre des juifs. La seconde entité, le Mémorial du Martyr Juif Inconnu, fut inaugurée en 1956. Il s’agit d’un tombeau-mémorial destiné à commémorer les victimes de la Shoah. Il héberge le CDJC.
En 2005, l’ensemble des lieux de mémoire du site ont été rassemblé pour devenir le Mémorial de la Shoah. Le lieu inclut notamment le Mur des Noms, le Mur des Justes et le Mémorial des Enfants.
Le Mémorial de la Shoah est à la fois un lieu de mémoire et de recueillement, mais aussi de pédagogie. Né de la volonté d’obtenir justice et de ne jamais oublier, le Mémorial poursuit ce but encore aujourd’hui. Le lieu organise des expositions temporaires et des conférences en lien avec la Shoah, accueillant la parole de témoins.
Les lieux de mémoire, à l’instar du Mémorial de la Shoah, sont aussi là pour continuer à faire vivre l’histoire, surtout ses heures les plus sombres, afin que les générations futures n’oublient pas.
La France, terre d’histoire et de mémoire
La France est un pays dont l’histoire est marquée par les conflits et évènements fondateurs. Le pays joue beaucoup sur ces grands évènements historiques à travers de nombreuses commémorations nationales, ainsi que des célébrations plus locales. Les évènements commémoratifs participent grandement à l’intérêt du public pour la mémoire et les lieux qui s’y rapportent.
En outre, ces évènements génèrent une hausse du flux touristique dans les lieux concernés. Par exemple, en 2018, la France fêtait le centenaire de la fin de la Première Guerre Mondiale. Cette année-là, les sites mémoriels dédiés à cette guerre ont vu leur fréquentation fortement augmenter.
Les régions françaises importantes pour le tourisme de mémoire
Bien que des lieux de mémoire soient dispersés partout sur le territoire français, certaines régions sont particulièrement importantes pour le tourisme de mémoire. Cela s’explique par :
– L’abondance de lieux de mémoire sur leur territoire ;
– Un territoire marqué par des conflits contemporains.
La Normandie, leader du tourisme de mémoire français
En France, la région la plus importante pour le tourisme de mémoire est la Normandie. Marquée principalement par la Seconde Guerre Mondiale, le territoire normand compte parmi les hauts-lieux du tourisme de mémoire.
Tout d’abord, la région possède de nombreux musées et mémoriaux. Bien que le musée ou mémorial le plus visité de France soit le Musée de l’Armée à Paris, tous les autres figurant en haut du classement sont situés en Normandie. Parmi ces sites, il y a notamment le Mémorial de Caen, qui occupe la deuxième place. Consacré à l’histoire du XXème siècle, le Mémorial de Caen est un musée historique dont la thématique principale tourne autour de la fragilité de la paix. Labellisé « Musée de France », le lieu fait aussi parti de l’International Network of Museums for Peace.
D’autres lieux comme le Musée du débarquement à Arromanches et le Musée Arromanches, respectivement 3ème et 4ème du classement, retracent l’histoire du débarquement en Normandie.
En plus de ces musées, la région Normandie possède un patrimoine naturel marqué par la guerre, avec notamment Les Plages du Débarquement. Des millions de visiteurs viennent chaque année découvrir ces lieux où l’histoire de France s’est écrite.
Les Hauts-de-France et la Grande Guerre
Les Hauts-de-France sont la deuxième région la plus fréquentée pour le tourisme de mémoire. Possédant la plus grande nécropole de France, la nécropole Notre-Dame de Lorette, la région est très marquée par la Grande Guerre. Théâtre de guerre mais aussi de paix, les Hauts de France possèdent plusieurs grands sites de tourisme de mémoire, tels que :
– La carrière Wellington, réseau de galeries souterraines qui ont joué un rôle majeur durant la guerre ;
– La Clairière de l’Armistice, où s’est déroulée la négociation puis la signature de l’armistice le 11 novembre 1918.
Tristement célèbre, le plus connu d’entre tous est le Chemin des Dames. Théâtre de plusieurs batailles durant la Première Guerre Mondiale, le Chemin des Dames est un lieu de recueillement et de commémoration. Le lieu propose aussi diverses ressources pédagogiques afin d’apprendre aux plus jeunes ce qui s’est déroulé en ces lieux.
Valoriser un territoire et un patrimoine grâce au tourisme de mémoire
Présent partout sur le territoire, les lieux de mémoire possèdent un fort potentiel et génèrent un important flux touristique. Le tourisme de mémoire peut donc être une excellente manière de valoriser son territoire, notamment grâce à des activités à la fois pédagogique et commémoratives.
Le tourisme de mémoire plait à tout le monde, et surtout aux familles
Les études du public et témoignages démontrent que le tourisme de mémoire est souvent pratiqué par des familles. En effet, les parents souhaitent apprendre à leurs enfants l’histoire de leur pays, dans cette volonté de transmission et de ne jamais oublier. Les lieux s’adaptent donc en proposant des activités pédagogiques et ludiques.
Le Centre Juno Beach en Normandie rend hommage aux soldats canadiens ayant perdu la vie durant la Seconde Guerre Mondiale. Le Centre tire son nom de la plage Juno Beach, l’une des cinq plages du débarquement. Ce centre est un excellent exemple de lieu de mémoire adapté aux enfants. En effet, le lieu utilise divers équipements afin d’attirer l’attention des enfants comme des modules interactives et des écrans tactiles. Tout au long de la visite, les enfants doivent collectionner des « points coquelicots », dans un jeu de piste grandeur réelle. Les coquelicots sont une référence au coquelicot de la Légion Royale Canadienne.
Véritablement pensé pour les enfants, le Centre Juno Beach attire les curieux et les familles. Moins célèbre que la Pointe du Hoc ou Omaha Beach, le Centre se démarque grâce à ses équipements pédagogiques.
Développer des activités touristiques et culturelles au sein d’un lieu de mémoire
Valoriser un lieu de mémoire par des activités culturelles et touristiques permet de le dynamiser et de l’inclure dans la vie d’un territoire.
À Saint-Nazaire dans les Pays-de-la-Loire, la Base-sous-marine est au cœur des activités touristiques de la ville. Sa place est si importante que l’Office de Tourisme s’y est installé.
Forteresse défensive construire par l’armée allemande durant la Seconde Guerre Mondiale afin d’y abriter leurs sous-marins, la Base-sous-marine est désormais un haut lieu du tourisme à Saint-Nazaire. Monument emblématique de la ville, c’est un incontournable. Des visites guidées sont proposées, bien que le lieu puisse aussi se visiter librement. Tout d’abord, il est possible de visiter certaines alvéoles ouvertes de la base. Les visiteurs peuvent aussi monter sur le toit de la base, qui offre une vue panoramique sur le port de Saint-Nazaire.
À la Base-sous-marine, les visiteurs ont accès à un certain nombre d’activités et équipements, comme un restaurant, une salle d’exposition et de concert et une boutique-souvenirs. Deux activités sont particulièrement réputées auprès des touristes :
– L’Escal’Altantic, musée-paquebot unique ;
– L’Espadon, seul sous-marin à flot visitable de France.
Toutes ces activités mettent en avant le patrimoine de Saint-Nazaire grâce à son lieu de mémoire. La base-sous-marine est un atout touristique majeur pour la ville. Dans la même veine, le port militaire de Cherbourg est un acteur touristique de son territoire, notamment grâce à son sous-marin « Le redoutable ».
Des aides publiques existent pour développer le tourisme de mémoire
Le tourisme de mémoire est un levier pour l’attractivité des territoires, comme le démontre l’exemple précédent de Saint-Nazaire et sa Base-sous-marine. Plusieurs régions ont compris cela. De ce fait, elles ont décidé de s’engager auprès des acteurs du tourisme et du patrimoine afin de développer le tourisme de mémoire. Voici quelques exemples de subventions régionales ;
– Le Grand Est propose une aide financière pour protéger ses monuments aux morts ;
Le Ministère des armées peut aussi soutenir des projets. En effet, il lance régulièrement des appels à projets dédiés au développement et/ou à l’innovation dans le tourisme de mémoire.
Conclusion :
Attirant chaque année de nombreux visiteurs, les lieux de mémoire sont des atouts pour le territoire. Les flux de touristes qui viennent visiter ces lieux peuvent ensuite en profiter pour découvrir les autres atouts d’une région : son patrimoine historique, naturel ou culturel. Ainsi, le tourisme de mémoire est un levier autant pour les propriétaires privés que pour les collectivités souhaitant valoriser leur patrimoine.
Soit celui-ci se prête directement à du tourisme de mémoire, auquel cas il est très intéressant d’y développer des parcours et activités dans ce domaine. Soit le lieu ne s’y prête pas, mais peut offrir une activité complémentaire aux visiteurs : activité culturelle ou d’accueil, hébergement, restauration. En outre, le lieu peut accueillir un évènement en lien avec la mémoire comme une commémoration solennelle, une reconstitution historique ou encore un concert.